Faire cap sur l’excellence

Il y a déjà six ans, je me suis improvisé capitaine de vaisseau, matelot, pilote, cuistot, navigateur, bref… entrepreneur. Encore mi-empêtré dans les cordages qui amarraient jusqu’à récemment mon embarcation au rivage, je mettais bravement les voiles vers une destination un peu plus floue que je ne l’aurais souhaité. J’étais bien armé tout de même, d’intégrité, de passion et d’une dose de flair; l’héritage d’une autre carrière durant laquelle j’avais fait de la houle ma compagne, et de l’expérience mon guide.

Six ans plus tard, le brouillard s’est dissipé quelque peu. L’océan sur lequel je vogue me réserve toujours des surprises de temps à autre, mais disons que j’ai appris à éviter les récifs. J’ai établi des alliances avec d’autres aventuriers de l’excellence qui partagent comme moi cette soif d’autonomie qui nous anime, ce goût du butin bien mérité et la passion surtout de gagner honnêtement notre vie, tout en contribuant à l’évolution de notre communauté.

Mes compagnons, compagnes et moi nous rejoignons dans la richesse de l’expérience que nous mettons en scène pour le bénéfice de nos invités. Cette richesse, c’est le contact individuel, la rencontre, le partage d’une connaissance essentielle, la dégustation d’un plat fin. L’expérience a autant plus de valeur quand on dévoile ses ingrédients dans toute leur splendeur. C’est comme si on la mettait sur un plateau. Il faut lui préparer un contexte, une raison d’être qui la rend inestimable.

Aussi étrange que cela puisse paraître, pour apprécier pleinement cette richesse, il faut peut-être plus que tout autre chose, un soupçon d’humilité. C’est en donnant toute sa place à cette qualité que nous créons en Saskatchewan, au moment ou j’écris ces lignes, quelques-unes des expériences touristiques les plus originales en Amériques du Nord. Nous et vous, les artisans de l’industrie touristique saskatchewannaise et les entrepreneurs qui se sentent l’âme à la distinction, sommes les nouveaux pionniers des plaines.

Les derniers 14000 ans d’exploitation humaine de ce beau et vaste territoire nous donnent toute la matière nécessaire pour nourrir l’imaginaire de nos invités présents et futurs. Déjà, les résultats se concrétisent. Les photos et films des photographes et cinéastes européens accueillis par Great Excursions circulent dans la francophonie internationale. Les grossistes d’Europe dont nous avons gagné la confiance nous contactent, attirés qu’ils sont par la possibilité d’offrir à leurs clients un brin d’inédit. Mieux encore, les relations internationales que nous bâtissons engendrent la curiosité. C’est cet élément qui plus que tout autre, peut encourager le consommateur d’expériences touristiques à miser sur l’inconnu.

Mais cette curiosité, il faut la nourrir. À mon avis, il faut créer une marque pour les plaines, un « icône » comme dirait mon ami Ernest Labrecque de la Commission canadienne du tourisme. Nous devons nous investir dans la création d’expériences véritablement issues d’ici, qui caractérisent notre milieu de vie et surtout, qui le mettent en valeur. Pour ce, chacun d’entre nous doit s’investir dans un domaine de spécialisation particulier.

Pour moi, c’est le tourisme patrimonial. J’ai entrepris des études de maîtrise internationales en archéologie et patrimoine à l’Université de Leicester en Angleterre. Je voulais m’équiper d’outils pour interpréter l’environnement culturel et naturel des plaines dans une optique patrimoniale.

Pour d’autres qui se passionnent d’histoire de la traite des fourrures, il serait peut-être plus utile d’approfondir ses connaissances de la préparation des peaux, de l’art du piégeage ou du contraste entre les déplacements traditionnels l’hiver et l’été. On peut tirer un tas d’informations des livres, de discussions avec les aînés. Quelle façon valorisante de mettre en valeur leur expérience! En faisant un peu de recherche, on peut trouver les éléments d’une histoire à mettre en scène et ainsi créer l’expérience tant convoitée.

L’expertise permet d’aller au-delà des banalités. Et pour créer une industrie touristique viable en Saskatchewan, nous devrons miser sur les qualités distinctives de notre milieu de vie. Nous vivons dans les plaines de l’Amérique du Nord, une des plus vastes régions du continent. Elles constituent un environnement d’une rare beauté, et elles sont dotées d’une histoire susceptible d’intéresser au plus haut point ces gens venus d’ailleurs en quête d’expériences inédites. C’est sur l’inédit que nous devons travailler si nous voulons que la Saskatchewan devienne une destination incontournable sur la scène nationale et internationale.

Il faudra du courage et de la persévérance, l’appui des organismes voués au développement économique et patrimonial, celui des investisseurs et bien sûr, il faudra l’appui inébranlable de nos gouvernements municipaux, provinciaux et fédéraux. Encore plus importants peut être, il faudra des gens d’action, des visionnaires; des citoyens qui sont d’attaque et qui ont soif d’apprendre. Sans eux, l’industrie touristique saskatchewannaise n’atteindra pas l’envergure à laquelle elle est vouée. À nous d’y voir.

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