Un terrain de chasse pas comme les autres

Notre esprit est bombardé quotidiennement par la publicité, les sons agressants, les spectacles hauts en couleurs et en effets spéciaux. Il ne faut pas s'étonner s'il a de la difficulté à s'émerveiller aujourd'hui devant le silence et la simplicité d'un alignement de pierres comme ceux que jalonnent la rivière Saskatchewan Sud aux abords de la fourche de la rivière Red Deer.

Qu'est-ce qu'un alignement de pierres peut avoir d'extraordinaire me demanderez-vous? Les premiers habitants des plaines en sont les architectes. Ils sont rudimentaires mais servaient probablement de cloture ou d'entonnoir pour chasser le bison à une autre époque.

Imaginez plusieurs centaines de bisons en train de paître paisiblement dans la plaine, puis une horde de chasseurs qui apparaissent en faisants du bruit et de grands gestes. Le troupeau s'agite, part au petit trot en direction opposée, en peu de temps c'est la corrida. Les animaux sauvages cherchent à fuir l'odeur de l'homme. C'est l'instinct autant que la peur. Ces pierres espacées de quelques mètres dégagent une odeur horripilante au plus haut niveau. Tout sauf franchir cette ligne de pierre. Et les hommes qui se rapprochent... "Bougeons plus loins" pensent les bisons. La chasse se poursuit sur plusieurs centaines de mètres, jusqu'au ravin où d'autres chasseurs attendent les bisons avec lances et flèches. Vous connaissez la suite.

Des moments comme celui-là, il y en a sans doute eu d'innombrables dans les plaines au fil des siècles. Un pourcentage important d'entre eux ont prit place en ces lieux fort fréquentés. Des centaines de vestiges de tipis parsèment la région. Les "medecine wheels" sont plus nombreuses ici que n'importe où ailleurs. Sur les 150 qui restent en Amérique du nord, la majorité se retouvent dans un rayon de 200 kilomètres de la fourche selon l'archéologue David Vogt.

La nation Blackfoot fréquentait ce territoire. Comme toutes les nations des plaines, ses membres avaient un système religieux complexe, axé sur un équilibre entre l'univers spirituel et réel qui est reflété dans la vie de tous les jours. Les "medecine wheels" étaient en quelque sortes leurs cathédrales construites sur le haut des collines, sur le flanc des vallées ou dans un lieu distinctif. On pouvait y honorer un chef glorieux ou y tenir des cérémonies sacrées.

En visitant ces endroits, en imaginant une époque sans autoroutes, lignes de haute tension, sans automobiles ni télévision, il devient plus facile de comprendre comment cette immensité de prairies, de vallées, de rivières qui se gonflent au printemps quand l'eau des glaciers vient jusqu'à nous, peuvent avoir semblés plein de mystère à d'autres civilisations. La vulnérabilité aux calamités engendre souvent des systèmes de croyances inusités chez les humains, afin de justifier les circonstances auxquelles ils sont confrontés. Mais ça, c'est de l'anthropologie et c'est une autre histoire.

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