Le Canadien de Via Rail : Travelling avant

Lacs et montagnes, Rocheuses canadiennes, Colombie-Britannique
Photo: Toby Saltzman

Entre Toronto et les Rocheuses, la route peut paraître longue, très longue. Mais à bord du Canadien, seul train transcontinental à effectuer ce parcours, le Canada se dévoile comme dans un agréable film au ralenti. Un film romantique, s’entend, surtout si on aime se faire du cinéma.

PAR TOBY SALTZMAN

Inspiration : un film délicieusement désopilant, Certains l’aiment chaud, et sa vedette follement sexy, Marilyn Monroe.


Acteurs : mon amoureux et moi.


Scénario : des milliers de câlins dans un lieu douillet.
Toile de fond : un paysage fabuleux.

C’est avec ce bref synopsis en tête, inspiré de Certains l’aiment chaud – le classique de Billy Wilder, voté meilleure comédie du siècle par l’American Film Institute – que j’ai convaincu ma douce moitié qu’un voyage dans les Rocheuses à bord du Canadien (le train non moins classique de Via Rail, qui traverse des décors éminemment romantiques) serait le cadre parfait pour laisser libre cours à nos fantaisies.

L’histoire ? À l’ère de la prohibition, deux musiciens de jazz (Jack Lemmon et Tony Curtis) sont témoins du massacre de la Saint-Valentin. Ils tentent d’échapper à la mafia en se réfugiant dans un train, travestis en femmes et en se mêlant à un orchestre féminin. Ils tombent amoureux d’Alouette (Marilyn Monroe) et se retrouvent, dans une scène, à partager la même couchette qu’elle. La frustration des deux protagonistes donne lieu à un moment des plus amusants. Le souvenir de cette scène plus deux promesses – celle de ne pas chanter (faux) I Wanna Be Loved by You et de ne pas le faire tomber en bas de la couchette – ont convaincu mon amoureux de faire le voyage vers Jasper en classe grand luxe Bleu d’Argent.

Lorsque le Canadien fut créé en 1955, l’allure aérodynamique du bolide en acier inoxydable ouvrait la voie à une nouvelle génération de trains. Avant-gardiste, son intérieur art déco abritait déjà à l’époque, dans son wagon de queue fuselé, un dôme panoramique. Aujourd’hui complètement remis à neuf, le train dispose de banquettes confortables et des douches dans les wagons-lits.

Calme, luxe et volupté


Tout de suite après être montés à bord du Canadien à Toronto, nous allons jeter un coup d’œil à notre « chambre romantique ». Exactement comme nous le promettait la brochure de Via Rail, la suite spacieuse (deux chambres converties en une, dotée d’un lit double et de deux salles de bain) est décorée avec élégance. Un bouquet de roses et une bouteille de vin mousseux nous attendent.

Aussitôt les bagages déposés, nous nous précipitons vers le dôme, juste à temps pour admirer la tour du CN tandis que le train quitte la gare Union Station. Après le dîner, le Bullet Lounge est animé à souhait et les discussions fusent de toutes parts.

« Pour obtenir de bons clichés à haute vitesse, placez votre appareil vers l’avant ou vers l’arrière, en angle contre la fenêtre, mais jamais droit devant vous », me suggère un jeune photographe australien. Peu de temps après, tout le monde est en grande conversation. Nous apprenons que ce jeune homme planifie faire de la randonnée dans le parc national Jasper. Que ces célibataires italiens ont choisi ce train légendaire pour découvrir le Canada. Que ce couple de voyageurs allemands, passés maîtres dans l’art de voyager en train, ont décidé, après avoir roulé dans les trains les plus luxueux du monde – dont l’Orient Express et le Train Bleu d’Afrique du Sud – d’essayer le Canadien.

Un jeune couple originaire de Brockville, en Ontario, nous fait pouffer de rire en tirant à pile ou face le privilège de se laisser emporter par Morphée dans la couchette du haut. « Pile, je gagne. Face, elle perd », nous lance-t-il en insistant sur le fait que dormir dans la couchette supérieure est nettement plus amusant. C’est ainsi que la conversation dévie sur la célèbre scène de Certains l’aiment chaud.

Nous en sommes aux hors-d’oeuvre lorsque le train entreprend sa course dans le bouclier Canadien, très ancien socle rocheux qui dote l’Ontario de paysages tissés de lacs cristallins et de rivières rugissantes. Les scènes qui défilent devant nous resteront à jamais gravées dans notre mémoire : pins vertigineux plantés sur des îlots rocailleux ; jais bleus et carouges à épaulettes voletant au-dessus des marais frangés de fins roseaux ; forêts de bouleaux blancs se dressant tels des poteaux lumineux…

Le repas du soir est éblouissant. Le personnel a transformé la voiture-restaurant à l’aide de housses et de nappes bleu roi. Après nous être régalés de filet mignon et de saumon, nous nous blottissons dans le dôme sous le ciel étoilé. Plus tard, nous nous glissons sous les duvets dodus, tout en laissant le rythme apaisant du train nous bercer jusqu’au sommeil.

Décor de rêve


Tandis que nous déjeunons d’omelettes et de crêpes, le panorama défile à toute allure. Des forêts d’épinettes noires encadrent Sioux Lookout, petite ville spécialisée dans l’industrie de la pulpe. Plus tard, à Minaki, un chevreuil gracieux s’enfonce dans l’eau jusqu’aux genoux, poussant son petit avec ses bois. Tout près, un pêcheur comblé soulève un brochet à bout de bras.

De retour à la lumière après avoir traversé un tunnel de montagne, le train défile devant des oursons replets, qui se dressent sur leurs pattes de derrière pour nous regarder passer. Un groupe de retraités britanniques, qui s’offrent le voyage de leur vie, se font enthousiastes. « Le Canada est un pays spectaculaire ! Les Canadiens font si bien les choses et ils ne lésinent pas sur l’effort. Le Canadien dépasse toutes nos attentes ». « Merci », ai-je répondu au nom de tous mes concitoyens installés dans le dôme. À ce moment précis, nous partageons la fierté que cette terre de pics dentelés, d’eau cristalline et de vie sauvage nous procure.

De temps à autre, nous passons devant d’anciennes gares en bois, vestiges d’une époque où le chemin de fer bâtissait une nation. Elles représentaient alors les seuls liens entre les localités.

Juste avant d’arriver à Winnipeg, le paysage commence à changer. Les montagnes et les lacs disparaissent pour faire place à des zones forestières puis à la prairie vallonnée. Filant jusqu’en Saskatchewan, les plaines s’aplatissent peu à peu pour devenir bandes de terre fertile, paysage calme fracturé par d’occasionnels élévateurs à grains.

Après un autre repas somptueux, nous nous rendons encore une fois dans le dôme tandis que le train escalade une voie de montagne dans le soleil couchant. Suivant les courbes d’un canyon profond, le train dévale devant nous tel un serpent d’argent. Le ciel tourne au rose puis au bleu indigo. Des constellations apparaissent, diamants sur un ciel de velours. « Hum… Diamonds are a girl’s best friend », me dis-je en pensant à Marilyn dans Les hommes préfèrent les blondes.

Le lendemain matin, aux aurores, les forêts et les larges rivières de l’Alberta peignent un nouveau tableau. L’excitation est palpable. Le Canadien se tortille le long d’une route pentue saisissante, se frayant un chemin dans les montagnes enneigées du parc national Jasper. Des volées d’oies du Canada montent en flèche au-dessus des chutes. Et puis, aussi absurde que cela puisse paraître, le mont Robson – planté bien loin en Colombie-Britannique – se dresse tel un géant, sa couronne enneigée majestueuse scintillant dans la lumière du soleil.

Tandis que le train roule dans les contreforts des Rocheuses, un défilé d’élans se déplace le long des rails. Immobiles, bois devant, ils semblent vouloir défier le train et le forcer à s’arrêter. Nous retenons notre souffle. Mais, à la dernière seconde, ils s’écartent à l’unisson pour laisser la flèche d’argent continuer sa course.

En route vers Jasper, la rivière Athabasca et la large vallée de la Maligne se déploient sous nos yeux. J’imagine alors la beauté blonde déambulant dans les allées du train en route vers le plateau d’un film, moins rigolo mais tout aussi torride que Certains l’aiment chaud. Je suis prête à parier que le tournage – dangereux – de Rivière sans retour, dans lequel elle traverse le canyon Maligne avec Robert Mitchum, ne donna pas lieu à des scènes de fou rire.

Longtemps après être arrivés à destination, Marilyn Monroe m’est apparue une fois de plus, tandis que nous nous baladions autour du magnifique lac Beauvert, sur le terrain du légendaire Fairmont Jasper Park Lodge – l’endroit idéal où se poser après un voyage romantique en train. Cette fois ci, je l’ai imaginée souriante au bras de Joe DiMaggio, se déhanchant comme elle seule pouvait le faire, en route vers une cabine en bois rond au cœur des pins odorants. Un endroit nettement plus confortable pour un duo qu’une couchette supérieure peut l’être pour un trio !

Pour de plus amples renseignements sur ces destinations ou sur d’autres destinations canadiennes, visitez le site de la Commission canadienne du tourisme à l’adresse www.voyagecanada.ca



source: Commission Canadienne du tourisme

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