Francophones de l'Ouest: Les confréries des Prairies

Au XIXe siècle, Mgr Philippe-Adélard Langevin eut l'idée d'établir une chaîne continue de villages francophones, entre le Manitoba et les Rocheuses. Peu à peu, des colons d'origine française emboîtèrent le pas pour fonder famille et trouver pitance. Aujourd'hui, leurs descendants sont toujours là, disséminés sur un vaste territoire.

PAR GAÉTAN FONTAINE

Pour plusieurs Canadiens, les francophones des Prairies vivent en vase clos dans le quartier de Saint-Boniface, à Winnipeg, patrie de la célèbre auteure Gabrielle Roy et haut lieu de la francophonie des plaines de l'Ouest. Pourtant, dans cette partie du Canada, les francophones ne se cantonnent pas uniquement le long de la rivière Rouge, loin de là. Au contraire, ils se sont dispersés un peu partout, dans différentes régions de ce plat pays.

Ainsi, au nord d'Edmonton, en Alberta, une petite communauté d'une dizaine de villages francophones tient toujours la barre. Des localités telles que Plamondon, Lac-la-Biche, Lafond, Brosseau ou Saint-Albert se dressent fièrement dans ces vastes espaces.

Récemment, le député provincial du comté de Lac-la-Biche, un certain Léo Piquette, a même créé tout un émoi en s'adressant en français à l'Assemblée législative de l'Alberta. Ce geste symbolique étonna les Franco-Albertains, qui n'en attendaient pas autant du premier élu de leur clan depuis une trentaine d'années !

Toujours au nord, en Saskatchewan maintenant, quelques villages francophones forment un noyau concentrique dans la périphérie de Prince Albert. La toponymie locale reflète bien le pays des Fransaskois (les francophones de la Saskatchewan) : Batoche, Albertville, Prud'homme, Saint-Louis, Victoire, Périgord, ou encore le sympathique village de Saint-Brieux, colonisé par des descendants bretons de Saint-Brieuc, en France.

Mais c'est dans le sud des prairies que l'on retrouve le gros du contingent francophone. Depuis le sud du Manitoba jusqu'à Val Marie (village natal du célèbre hockeyeur d'origine francophone Bryan Trottier, aujourd'hui entraîneur des Rangers de New York), en Saskatchewan, un chapelet de villages francophones s'étire sur près de 1000 kilomètres. Tous côtoient différentes communautés d'origines ukrainienne, allemande, scandinave et surtout mennonite, très présente.

Les yeux vers le ciel
Pour s'y retrouver à travers cette mosaïque de villages aux racines multiples, il suffit de lever les yeux vers le ciel. À défaut de révélations divines, on découvre une panoplie de clochers : ceux des églises catholiques, en forme de flèche, qui sont de véritables copies des églises québécoises; et ceux des églises de confession orthodoxe, dont les grosses formes sphériques semblables à des poires nous plongent dans un autre plat pays, l'Ukraine, en ex-URSS. C'est d'ailleurs à Tolstoï, un hameau adossé à la frontière américaine, au sud de Winnipeg, que l'on trouve l'une des plus belles églises orthodoxes de l'Ouest canadien.

Dans cette plane contrée, où les terres fertiles sont cultivées par de braves agriculteurs qui triment dur, on a l'impression de se retrouver quelque part dans la plaine du Saint-Laurent. Près de la frontière, des villages comme Saint-Joseph, Saint-Jean-Baptiste, La Rochelle, Saint-Alphonse, Notre-Dame-de-Lourdes, Montmartre ou Laflèche témoignent d'une présence française qui remonte à la fin du XIXe siècle, au tout début de la colonisation.

Ces nouveaux arrivants s'installèrent dans ce coin de pays pour contrer l'envahisseur américain qui, déjà, s'était sérieusement implanté au sud du 49e parallèle, dans la prairie américaine. Dès lors, le développement de l'Ouest devint une priorité pour le Canada. Les colons reçurent gratuitement (ou à peu de frais) des terres (des homesteads pas toujours de grande qualité) sur lesquelles ils fondèrent l'espoir d'y vivre d'agriculture et d'élevage.

À priori, on pourrait croire que les francophones qui colonisèrent les plaines étaient d'origine québécoise. En fait, leurs provenances étaient multiples. Plusieurs des immigrants recrutés étaient des Franco-Américains d'origine canadienne française installés aux États-Unis. À l'époque, on ne lésinait pas pour recruter ces Canadiens errants : Philippe-Antoine Bérubé, prêtre colonisateur, encouragea même les Canadiens français établis aux États-Unis à venir s'installer dans la région de Prince Albert, dans le nord-est de la Saskatchewan.

Dans les faits, le Québec, qui vivait à cette époque un départ massif des siens vers la Nouvelle-Angleterre, ne voyait pas d'un très bon œil l'exode vers l'Ouest. Quelques aventuriers québécois (plusieurs du Témiscouata et de la Gaspésie) se laissèrent tout de même séduire par l'aventure en s'exilant de leur propre chef. À cette immigration, il faut ajouter des Français (beaucoup de Bretons), des Belges (un village, près de Brandon, se nomme justement Bruxelles) et d'autres Européens : à Montmartre, près de Regina, le premier curé du village, l'abbé Passaplan, était un missionnaire suisse.

Une francophonie fragile
Hélas, la survie des villages francophones des Prairies est fragile, voire menacée à long terme. En cette ère de mondialisation galopante, le défi est en effet de taille. Étant donné que la disparition et l'assimilation de ces communautés seraient une lourde perte pour le patrimoine vivant de notre grand pays, si riche par sa diversité, quelques communautés ont décidé de prendre en main leur destinée, comme c'est le cas de Ponteix (Saskatchewan).

Ce village, fondé en 1906 par des descendants français, belges et canadiens-français, voit l'avenir d'un bon œil grâce à la construction récente du Centre culturel Royer. Ses locaux abritent différents services tels une librairie, une salle multifonctionnelle ainsi que des écoles primaire et pré-maternelle. Même son de cloche à Gravelbourg, où les jeunes Fransaskois ont l'opportunité de poursuivre leur éducation secondaire au collège Saint-Mathieu, une école française privée fondée en 1918.

Mais pour la majorité des francophones des Prairies, souvent éloignée des grands centres, l'espoir d'un rapprochement avec la grande francophonie vient d'ailleurs. Pas du Québec, ni de la France, ni de l'un ou l'autre des dizaines de pays francophones du globe, mais bien de tous les membres de cette immense famille et ce, grâce à l'Internet. Pour la jeune génération férue de nouvelles technologies, c'est peut-être là que réside le salut de leur francophonie, une francophonie planétaire, désormais à portée de clavier...

Pour de plus amples renseignements sur ces destinations ou sur d'autres destinations canadiennes, visitez le site de la Commission canadienne du tourisme à l'adresse www.voyagecanada.ca.

source: Commission Canadienne du tourisme

Cette reproduction n'est pas présentée à titre de version officielle du contenu reproduit, ni dans le cadre d'une affiliation et/ou avec l'appui de la Commission canadienne du tourisme.

Commentaires