La Plaine, pour l'espace et l'infini


Qu'ont en commun Daniel Lavoie, les membres de Hart Rouge et Gérald Laroche? Tous ces artistes viennent de la Plaine, au centre du pays. Ils livrent ici quelques morceaux choisis de leur terre natale, fief du vent, du vide, du ciel et de la liberté.

PAR MARIO PROULX

J'ai eu l'immense chance de parcourir le Canada pendant plusieurs mois, avec pour mission de le raconter en paroles et en chansons. J'ai été frappé de constater à quel point les paysages de l'enfance marquent et influencent, pour la vie, l'âme des artistes. Je l'ai particulièrement remarqué avec les chanteurs et musiciens originaires de la Plaine. Tous, que ce soit les Daniel Lavoie et Gérald Laroche du Manitoba, ou les frère et soeur Campagne du groupe Hart Rouge de Saskatchewan, me parlent de l'infini de la Plaine et de son ciel demesuré. Cette immensité et l'isolement qui en découlent leur ont insufflé le goût de la poésie et, dans plusieurs cas, une forme de spiritualité.

On accède rapidement à une part de leur imaginaire quand on parcourt, pour la première fois, la Plaine en automobile. La surprise est grande: les distances sont colossales, la route est droite et tout est plat sur des centaines de kilomètres. À la sortie de Winnipeg, sur la route 6, une pancarte affiche Flin Flon : 777 kilomètres. Et puis, rouler dans l'Ouest est une expérience apaisante. On ne croise que très peu de véhicules, on ne voit pas d'arbres, on file vers une ligne imaginaire d'horizon. À un certain moment, on a même l'impression qu'on n'avance plus. Le temps vient de s'arrêter. Quelle expérience!

Jours de Plaine

Le chanteur Daniel Lavoie, qui est devenu une vedette internationale grâce à ses nombreux disques et ses prestations dans les comédies musicales Notre-Dame de Paris et Le Petit Prince, vient de la Plaine. Né à Dunrae, un petit village perdu du Manitoba, il y a vécu son enfance. Il se rappelle qu'il y avait toujours du vent, ce qui était rafraîchissant l'été et très froid l'hiver, et qu'il y avait aussi du ciel, beaucoup de ciel.

« La plaine, dit-il, c'est l'océan à l'envers, parce que c'est dans le ciel que les choses se passent. C'est vide, la plaine, mais le ciel est extraordinairement plein. C'est ce que j'aime de la plaine, d'ailleurs: on oublie la terre et on ne voit que le ciel. Et la plaine, c'est aussi un endroit très secret. Les beaux souvenirs que j'en garde de mon enfance, ce sont tous les petits plis et replis, recoins et endroits cachés qu'on ne voit pas lorsqu'on regarde l'horizon. Mais quand on y regarde de près, il y a partout des petits ravins, des petites coulées, des vallées dans lesquels on peut se cacher et où il y a plein de vie: des lapins, des lièvres, des plantes, des oiseaux. C'est ce que j'aimais tellement de ma Plaine: disparaître dans les ravins et les coulées... »

Daniel Lavoie raconte cette enfance dans la magnifique chanson Jour de Plaine :
Y'a des jours de plaine on voit jusqu'à la mer
Y'a des jours de plaine on voit plus loin que la terre

Paysages sonores

Le Manitoba est aussi un pays de lacs, petits ou grands. On en compte quelque 100 000 dont certains sont de véritables mers intérieures. Les voyageurs de la Nouvelle-France y sont venus nombreux pour chasser et traiter avec les Amérindiens. Les hommes ont fondé des familles avec des femmes issues des nations Ojibway, Cris et Sauteux. C'est ainsi qu'est née la nation Métis qui était, au XIXe siècle, la plus importante communauté de la Plaine. Dirigés par Louis Riel, les Métis ont vainement tenté de défendre leurs territoires contres les armées fédérales. Puis, Riel a été pendu le 16 novembre 1885.

Longtemps humiliés, les Métis retrouvent aujourd'hui leur fierté. Le multi-instrumentiste et conteur Gérald Laroche, dont certains des ancêtres sont arrivés avec Jacques Cartier et Samuel de Champlain, y contribue grandement en parlant de ses racines métis. Formidable harmoniciste, Gérald Laroche possède et joue plus de 60 harmonicas, sans compter la flûte celtique, l'arc à bouche indien, la guimbarde et autres instruments à percussion. Il joue et raconte son pays tant au Canada qu'en Europe, où il a fait plusieurs tournées. Les Français sont fascinés par le paysage sonore qu'il recrée: c'est le paysage de la Plaine, avec le vent du nord, le cri de l'aigle et la pulsion du temps qui passe.

« J'ai connu, dans l'enfance, une grande liberté en parcourant les bois, les rivières et les lacs du nord du Manitoba, dit Gérald Laroche. Cet esprit m'a été transmis par mes parents et grands-parents. La plaine est une terre de liberté, il y a tout l'espace qu'il faut pour réfléchir et inventer. Partir, c'est toujours en nous. L'esprit de l'aventure et de la liberté, c'était celui de nos ancêtres, français comme amérindiens. Je voyage partout dans le monde, mais il me faut toujours revenir à la Plaine: c'est dans mon sang. »

Pour un de ses contes métis, Laroche écrit:
Chaque secret a une histoire
Chaque histoire a une danse
Chaque danse a une finChaque fin, un commencement.

Plaine de vide

Après avoir visité Winnipeg et Saint-Boniface, la maison de l'écrivain Gabrielle Roy, les forts et les musées qui racontent les débuts de la colonisation et l'histoire de Louis Riel, j'ai pris la route pour la Saskatchewan, province voisine et patrie de la famille Campagne.

Paul et Suzanne Campagne font partie de Hart Rouge, une formation dont les derniers albums aux teintes country-folk reflètent l'esprit de leur Plaine natale. Descendants d'immigrants venus de Normandie en 1905, les Campagne sont originaires de Willow Bunch, un petit village situé dans le centre-sud de la Saskatchewan, à une cinquantaine de kilomètres du Montana. Fondé par des Métis, Willow Bunch fut par la suite développé par des Belges, des Acadiens, des Québécois et des Bretons.

Depuis plusieurs années, Paul et Suzanne vivent à Montréal, mais leur coeur bat toujours au rythme de leur terre natale. « Ce qui reste en nous de la Plaine, dit Suzanne, c'est l'espace, et puis les couchers de soleil sur les champs de blé, d'orge et de moutarde. C'est terriblement vivant comme espace, avec le son du vent en permanence. Et le soir, les étoiles, on dirait qu'il y en a trois fois plus que n'importe où ailleurs. C'est l'infini qu'on retient, et la liberté. Il faut être né là-bas, sinon ça apparaît trop vide »

Tellement vide, en fait, qu'on peut voir un village situé à 100 kilomètres de distance, par la simple lueur qu'il dégage dans le ciel, la nuit. Tellement infini que souvent, les fermes sont distantes de 12, voire 15 kilomètres. Car dans la plaine, tout est plus lent, plus long, plus loin...
Pour de plus amples renseignements sur ces destinations ou sur d'autres destinations canadiennes, visitez le site de la Commission canadienne du tourisme à l'adresse www.voyagecanada.ca.

source: Commission Canadienne du tourismeCette reproduction n'est pas présentée à titre de version officielle du contenu reproduit, ni dans le cadre d'une affiliation et/ou avec l'appui de la Commission canadienne du tourisme.

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