La route des fromages fins du Québec

En quelques décennies à peine, le Québec est devenu la terre promise du fromage en Amérique du Nord. Si plusieurs produits s'inspirent de grands noms européens, d'autres sont tout à fait uniques. Exploration d'un phénomène du terroir qui fleurit en bouche.

PAR HUGO PARADIS

Lorsque l'on déballe un Lechevalier Mailloux, c'est toute la pièce qui embaume. Ce puissant fromage, qui peut tenir tête à certains des plus exquis produits du Vieux Continent, est un pur petit chef-d'œuvre. Quand on en dépose un morceau sur sa langue, c'est l'explosion florale. Tout juste s'il ne pétille pas; on dirait presque qu'il vit!

Élaboré à Saint-Basile, près de Québec, le Lechevalier Mailloux témoigne avec brio de l'impressionnante qualité des nombreux fromages fins qui ont vu le jour au Québec, au cours des dernières décennies. Couronné champion toutes catégories lors de la première édition du Grand prix des fromages canadiens en 1998, le Lechevalier Mailloux s'est vu de nouveau honorer de la sorte, en 1999 et 2000.

Il faut dire que son coloré producteur, Luc Mailloux, est aussi artiste que perfectionniste : avant de mettre sur le marché son Saint-Basile, une autre de ses savantes réalisations, il en a fabriqué plus de 8 000 meules. Résultat : l'illustre Bocuse lui-même n'a pu trouver d'équivalent dans les fromages français, tant le Saint-Basile brille par son unicité.

Même si les produits de la ferme de Luc Mailloux sont hors normes, une majorité de fromages québécois ont de plus en plus la cote, tant dans la Belle Province qu'au-delà de ses frontières. Qu'ils soient à base de lait de chèvre, de vache ou de brebis, on les voit apparaître dans un nombre toujours croissant d'épiceries fines, sur les menus de grands chefs d'Amérique ainsi que sur les tables des plus exigeants connaisseurs.

« Qui aurait pu dire qu'un jour, on trouverait sur les étals des marchés québécois presque autant de fromages de chez nous que de fromages importés? Que beaucoup de nos fromages, particulièrement ceux au lait cru, seraient servis dans les grands restaurants de Chicago, Los Angeles ou New York? », peut-on lire sur la jaquette du Guide complet des fromages du Québec, de Jules Roiseux.

En quelques décennies à peine, le Québec est devenu un riche terroir où ont poussé comme des champignons des fromageries artisanales, des microfromageries et des fabriques de plus ou moins grande envergure. « Un phénomène unique au monde », assurent Richard Bizier et Roch Nadeau, dans leur Répertoire des fromages du Québec. À l'instar d'autres spécialistes, ceux-ci constatent qu'aucun autre endroit d'Amérique du Nord ne produit autant d'aussi bons fromages.

Grâce à la qualité du lait de même qu'à l'inventivité et au savoir-faire des artisans, d'excellents fromages québécois furent ainsi élaborés. Si certains s'inspirent de quelques-uns des plus célèbres crus français et européens, d'autres produits tout à fait originaux ont également vu le jour. À titre d'exemple, des fromagers d'ici frottent leurs meules avec de la bière forte québécoise, les lavent à l'hydromel ou les fument au bois d'érable.

Quand ils ne font pas un clin d'oeil au proverbial sens de l'humour québécois, leurs noms chantent la beauté des lieux ou l'histoire d'où ils proviennent : Migneron de Charlevoix, Pied-De-Vent des Îles de la Madeleine, Coureur des Bois de Saint-Antoine-de-Tilly, Riopelle de l'Île aux Grues, Diable aux Vaches de Mont-Laurier, Fumirolle de la Côte de Beaupré, Sieur Corbeau des Laurentides ou Tarapatapom de Knowlton.

Le berceau de l'industrie fromagère canadienne

Ce n'est pas d'hier que l'on fabrique du fromage, au Québec. C'est même ici qu'est née l'industrie fromagère canadienne, après que Jacques Cartier ait emmené avec lui, en 1541, les premières vaches françaises en Nouvelle-France. Mais il faudra attendre au XIXe siècle pour assister à la naissance d'une industrie digne de ce nom, tant au Québec que dans le reste du Canada. Petit à petit, d'un bout à l'autre du pays, des artisans commencent alors à véritablement mettre la main à la pâte - c'est le cas de le dire.

Au Québec, en 1850, une ferme de Sault-au-Récollet entame ainsi la production du Crème de Beloeil, sorte de camembert québécois. En 1893, les moines d'Oka se mettent à leur tour à produire des fromages qui comptent aujourd'hui parmi les plus connus du Québec. Et en 1895, la fromagerie Perron - qui existe toujours et dont les anciens locaux, devenus musée, sont classés monument historique - voit le jour. Un peu plus tard, au siècle suivant, les Bénédictins de Saint-Benoît-du-Lac et les moniales de Mont-Laurier - pour ne nommer qu'eux - emboîteront également le pas.

Mais la prolifération de fromageries - et en particulier de microfromageries - demeure, elle, beaucoup plus récente. « C'est d'abord et avant tout la demande des Québécois, en hausse depuis quelques dizaines d'années, qui explique cet engouement. Ils voyagent beaucoup plus et sont toujours plus ouverts sur le monde, surtout sur la France, où ils ont découvert l'existence de produits du terroir tout en se demandant pourquoi ils en avaient si peu chez eux », explique André Fouillet, auteur de À la découverte des fromageries du Québec, un ouvrage qui recensait, déjà en 1998, plus de 70 fromageries québécoises.

Aujourd'hui, les Québécois n'ont plus de quoi se plaindre : leurs fromages se sont multipliés et une bonne centaine de fromageries jalonnent chaque région de la province. Une cinquantaine d'entre elles font même l'objet d'une fort jolie brochure baptisée La Route gourmande des fromages fins du Québec. Certaines se visitent, d'autres pas, mais toutes ouvrent les portes de leur échoppe à quiconque serait tenté par une bouchée, voire une meule. En voici un échantillonnage :

À découvrir

Fromagerie La Ferme au Village, 45, Notre-Dame Ouest, Lorrainville (Abitibi), (819) 625-2255. À goûter : le Cru du Clocher, un succulent cheddar au lait cru vieilli.
Les Fromages de l'Érablière, 1580, Eugène-Trinquier, Mont-Laurier (Laurentides), (819) 623-3459. À goûter notamment : le Cru des érables, fromage au lait cru affiné avec un acéritif (apéritif à base d'eau d'érable).
Fromagerie Oka, 1400, chemin Oka, Oka (Laurentides), (450) 479-6396. C'est dans ce monastère trappiste que sont nés les premiers fromages fins québécois, en 1893.
La Biquetterie, 470, route 315, Chénéville (Outaouais), (819) 428-3061. À goûter : des fromages de chèvre exquis moulés à la louche.
Chèvrerie les Trois Clochettes, 840, Rivière Sud, Saint-Roch-de-l'Achigan (Lanaudière), (450) 588-5080. Réputée pour son « chèvre doeuvre » affiné dans une feuille de vigne.
Fromagerie du Champ à la Meule, 3601, Principale, Notre-Dame-de-Lourdes (Lanaudière), (450) 753-9217. C'est ici qu'est fabriqué le Victor et Berthold, l'un des fromages québécois les plus réputés.
Fromagerie Fritz Kaiser, 459, 4e Concession, Noyan (Montérégie), (450) 294-2207. On y fabrique notamment la Tomme de M. Séguin, mi-chèvre, mi-vache.
Fromagerie Au gré des champs, 400, rang Saint-Édouard, Saint-Athanase (Montérégie), (450) 346-8732. À goûter : Au gré des champs et D'Iberville, des fromages au lait cru produits avec du lait de vaches nourries de plantes fleuries et aromatiques certifiées bio.
Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac, Saint-Benoît-du-Lac (Cantons-de-l'Est), (819) 843-4336. Sans frais: 1 877 343-4336. Fromagerie historique, aussi réputée pour son site que ses nombreux fromages.
Fromage Côté, 80, rue Hôtel-de-ville, Warwick (Bois-Francs), (819) 358-3300. Spécialités à croûte lavée, dont le Cantonnier de Warwick et le Sir Laurier d'Arthabaska.
Bergerie La Moutonnière, 3690, rang no 3, Sainte-Hélène-de-Chester (Bois-Francs), (819) 382-2300. La « première et seule fromagerie fermière et artisanale de brebis installée à la ferme ».
Ferme Piluma, 150, rang Sainte-Angélique, Saint-Basile (région de Québec), (418) 329-3080. C'est ici que l'on élabore plusieurs des meilleurs fromages québécois : le Lechevalier Mailloux, le Saint-Basile, l'Ange Cornu et le Sarah-Brizou, pour ne nommer que ceux-là.
Fromagerie Île-aux-Grues, 210 chemin du Roy, Île aux Grues (Chaudière-Appalaches), (418) 248-5842. À essayer : le Mi-Carême, un pâte molle au lait cru, et le Riopelle, nommé en l'honneur du célèbre peintre qui habitait naguère dans l'île.
Maison d'affinage Maurice Dufour, 1339, Mgr de Laval, Baie-Saint-Paul (Charlevoix), (418) 435-5692. Lieu de fabrication du Migneron (Grand prix 2002 des fromages canadiens) et du Ciel de Charlevoix, un délicieux fromage bleu au lait cru.
Fromagerie Perron, 156, av. Albert-Perron, Saint-Prime (Lac-Saint-Jean), (418) 251-3164. Fabrique depuis des lustres un cheddar de renommée internationale.
Ferme Chimo, 1705, boul. de Douglas, Gaspé (Gaspésie), (418) 368-4102. Produit des « fromages de chèvre uniques ».
Fromagerie du Pied-de-Vent, 149, chemin de la Pointe-Basse, Havre-aux-Maisons, Îles de la Madeleine, (418) 969-9292. Lieu de fabrication du réputé fromage du même nom.

Pour de plus amples renseignements sur ces destinations ou sur toute destination canadienne, visitez le site de la Commission canadienne du tourisme à www.voyagecanada.ca

source: Commission Canadienne du tourisme

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