Le Nunavut : Beau à en perdre le nord !

Peu importe l'endroit où l'on se trouve, la nature est bien présente, au Nunavut. Parlez-en aux amateurs de randonnées.

Terre nordique enveloppée de mystère, le Nunavut invite les voyageurs invétérés à de belles aventures. Suivez le guide !

PAR MARGO PFEIFF

En ce soir d'hiver, Cape Dorset se dissimule sous un voile d'encre. Je suis dans ma chambre d'hôtel lorsque j'entends frapper à la porte. Un jeune Inuit se tient là, emmitouflé dans une énorme parka. « Aimeriez-vous acheter une sculpture ? », me demande-t-il d'une voix douce. Il sort alors de sa poche un kayak en stéatite dans lequel se tient un mini chasseur, harpon en ivoire à la main. Je lui remets les 80 $ qu'il demande puis il disparaît dans la nuit arctique, non sans me faire un timide sourire.
Avant même d'atterrir pour la première fois sur la piste glacée d'Iqaluit, en 1990, je me suis sentie craquer pour cette terre austère. Du haut des airs, les icebergs ressemblent à de gros flocons déposés sur l'océan arctique couleur bleu nuit, et la toundra semble pailletée de lacs comme autant de petites flaques d'eau aux teintes variant du pervenche au turquoise. Une fois ce paysage féerique imprimé au fond de ma rétine, j'ai appris à connaître les Inuits, et j'ai été séduite par leur simplicité, leur sens de l'humour et leur générosité.

Le Nunavut - « notre terre » en inuktitut - a été créé le 1er avril 1999. C'était la première fois depuis l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération, en 1949, que les cartographes devaient redessiner la carte du Canada. Avec une superficie de 1,99 million de kilomètres carrés, le Nunavut occupe le cinquième de la surface du pays. Et sur cette vaste terre, les coutumes millénaires sont encore bien vivantes.
Depuis qu'Iqaluit - une ville de 6 000 habitants - est devenue la capitale du Nunavut, elle n'a cessé de se développer. De loin la localité la plus importante du territoire, elle demeure cependant une ville frontalière et abrite les seules banques et restaurants avec permis d'alcool ainsi que l'unique hôpital, palais de justice, prison et cinéma de tout le territoire.

Les 28 « villages » qui parsèment le Nunavut ne sont accessibles que par bateau, avion, motoneige ou traîneau à chiens. Ici, il y a 30 fois plus de caribous que d'humains et les 28 000 habitants dispersés sur cet immense territoire - 0,01 personne par kilomètre carré, selon les statistiques - pourraient facilement se tenir dans un stade sportif de taille moyenne.

Situé au bord de l'eau, le centre d'accueil Unikkaarvik partage un édifice avec la bibliothèque de la ville, truffée de livres sur le Nord. On y trouve des cartes géographiques ainsi qu'un personnel qualifié qui peut tout aussi bien organiser une visite d'Iqaluit qu'une excursion au pôle Nord. Tout près de là, le Musée Nunatta Sunakkutaangit a été aménagé dans un ancien poste de traite de la Compagnie de la Baie d'Hudson. On peut y admirer une magnifique collection d'artefacts, dont un kayak en peau de phoque et une palette d'œuvres inuites créées dans différents villages.

Les galeries d'art et les boutiques de la ville présentent des pièces provenant de partout dans le Nord, des sculptures de Cape Dorset - reconnues dans le monde entier - aux gravures et tapisseries de Pangnirtung.
Une simple promenade au fil des rues d'Iqaluit nous plonge tête première dans la culture locale. En été, les sculpteurs travaillent en plein air et en hiver, on voit encore des femmes vêtues du manteau traditionnel - amoutiq - avec leur bébé blotti dans l'immense capuchon.
Tous sont invités à assister aux services religieux dans l'église anglicane en forme d'igloo où la croix de l'autel est formée de deux défenses de narval. Ici, les hymnes sont chantés en inuktitut. Le Northern Store, autrefois la Compagnie de la Baie d'Hudson, ressemble à n'importe quelle épicerie moderne à quelques détails près : parmi les produits congelés se glissent du narval, du muktuk, du bœuf musqué et du caribou ainsi que des saucisses d'omble chevalier.

Changement de cap

Lorsqu'on sort de la capitale, le rythme change radicalement. Chacun des villages disséminés sur ce vaste territoire ne compte pas plus de 200 habitants. La plupart des gens chassent et pêchent pour subsister et il n'est pas rare que des familles entières partent tout l'été camper en pleine nature. Mais même ici les camionnettes, les motoneiges, les véhicules tous terrains et les hors-bord ont remplacé les traîneaux à chiens et les kayaks.

Je ne reste jamais très longtemps dans un lieu habité. Villages et hameaux ne sont que des points de départ pour mes excursions à la découverte de cette terre sauvage qui compte trois parcs nationaux et plusieurs parcs territoriaux. Situé près du parc national Sirmilik, Pond Inlet attire les férus de kayak. J'ai déjà passé une semaine entière à pagayer le long du littoral près de Pond, zigzagant autour des icebergs en écoutant l'écho des gouttes d'eau frapper sur les parois de leurs cavités creusées par les vagues.
Tout au long des étés, brèves périodes au cours desquelles la neige fond et la température franchit le cap de 0 ºC, on peut observer les baleines - notamment à Clyde River - ou faire de la randonnées n'importe où dans le territoire.

À une courte balade en bateau de Pangnirtung, un joli petit village dans le sud de l'île de Baffin, une excursion extraordinaire attend les randonneurs qui pourront contempler notamment le paysage de fjords et de pics dentelés du parc national d'Auyuittuq. On peut aussi pagayer sur la rivière Soper en passant dans le parc territorial Katannalik, près d'Iqaluit, émaillé de vallées tapissées de fleurs sauvages, où paissaient des caribous et où gambadent toujours des lièvres arctiques. Puis on termine son voyage sur la côte, dans la communauté de Kimmurut, célèbre pour ses sculptures en stéatite.

Le printemps dans le Nord est tout simplement fabuleux. Le soleil brille presque 24 heures par jour et la température monte suffisamment pour permettre des sorties en traîneaux à chien. Depuis Iqaluit, on peut faire des balades d'une ou de plusieurs journées.

C'est aussi le temps de faire des excursions à la limite de dislocation de la banquise, en particulier à l'extrémité nord de l'île de Baffin. Quand la glace recouvrant l'océan commence à craquer, les narvals et les bélugas viennent se nourrir dans les espaces dégagés qui attirent aussi des millions d'oiseaux de mer. Quelques-uns d'entre nous avons quitté Arctic Bay en traîneaux tirés par des motoneiges pour aller camper sur la glace et observer les espèces sauvages. Un véritable safari, version nordique.
Je me souviens d'une randonnée dans le parc national du Canada Quttinirpaaq (l'île-d'Ellesmere), à 700 kilomètres du pôle Nord, en plein mois de juillet. Des papillons voltigeaient autour de moi alors que je marchais dans les fleurs sauvages jusqu'aux genoux. Je me souviens aussi de ce nid de petits harfangs des neiges dans les îles Belcher, ou encore de cette nuit d'hiver à Hall Beach où les aurores boréales déchiraient le ciel de larges bandeaux verts et rouges si brillants que j'avais l'impression de les entendre grésiller.

Et je n'oublierai jamais cette petite Inuite, rencontrée à Resolute. Nous regardions la météo à la télévision quand elle s'est approchée de l'écran, montrant du doigt l'espace au-dessus du téléviseur. « J'habite là-haut, dit-elle fièrement, sur cette partie de la carte qu'on ne voit pas. » « À l'extérieur de la carte », voilà une expression qui décrit bien le Nunavut.

Terre d'une beauté inouïe qui promet un voyage mémorable empreint de magie, le Nunavut séduira à coup sûr les voyageurs qui aiment découvrir des paysages sauvages à l'état pur. Et une chose est certaine : les souvenirs de ce voyage peu commun resteront longtemps gravés dans leur mémoire.
Pour de plus amples renseignements sur cette destination ou sur d'autres destinations canadiennes, visitez le site de la Commission canadienne du tourisme à www.voyagecanada.ca.

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