Fort Gibraltar : le patrimoine qui gagne son pain

Le photojournaliste Philippe Renault en compagnie
d'un interprète du Fort Gibraltar

(article publié initialement dans la revue TOURISME)

Si l’époque de la traite des fourrures et des voyageurs des XVIIIe et XIXe siècles dans les plaines de l’Ouest évoque l’aventure, la découverte et un certain romantisme, peu de communautés peuvent se vanter d’avoir réussi aussi bien que les Franco-Manitobains à s’accrocher au passé pour engendrer des expériences touristiques inspirées de cette époque.

Au cœur de Winnipeg, dans le quartier francophone de Saint-Boniface, se dresse un fort aux palissades de bois comme ceux que nous avons l’habitude de voir dans les films western et certains sites historiques nord-américains. La structure est en réalité une réplique fidèle d’un fort de la Compagnie du Nord-Ouest, érigé en 1809 sur la rive opposée, là où se rencontrent les rivières Rouge et Assiniboine. Le fort actuel a été bâti en 1979 par le Festival du Voyageur inc.

« À l’époque, le fort comprenait les palissades et quelques cabanes situées dans l’aire intérieure », nous dit Josée Vaillancourt, directrice du marketing et des communications du Festival du Voyageur. Chaque année, durant deux semaines en février, cette structure s’anime de milliers de visiteurs pendant le Festival du Voyageur, le plus important festival d’hiver à saveur patrimoniale de l’Ouest canadien.

« En 2001, le Festival a construit la Maison du bourgeois, une grande maison utilisée comme salle de réception ou de conférence. Les recettes générées par cette activité au fil des ans ont permis non seulement de financer le Fort Gibraltar mais aussi, le 24 mai dernier, d’ouvrir le fort en tant que site touristique avec une programmation pour l’été 2006. »

Le Fort Gibraltar a récemment été choisi par le magazine Where comme un des 10 attraits à visiter au Canada cet été. Ainsi, les dirigeants du Festival du Voyageur souhaitent, grâce à l’ouverture estivale du centre d’interprétation, engendrer de nouvelles visites au fort et dans toute la communauté de Saint-Boniface, une destination touristique émergente. En fait, le succès du fort témoigne de la vitalité de toute une communauté.

« Nous avons au Fort Gibraltar quatre interprètes en résidence et un responsable des programmes patrimoniaux. Nous les voyons travailler dans la forge, coudre dans la cabane des engagés, préparer les étalages dans le magasin, qui sert également de poste de traite. Nous avons aussi la femme métisse qui fait la cuisson sur le feu. Les gens arrivent au Fort Gibraltar et ils ont l’occasion de voir comment se faisait la bannique, la galette métisse. Le tout est préparé sur le feu à l’extérieur. Les visiteurs récoltent de beaux souvenirs, et les commentaires que nous recevons le confirment. »

Les interprètes-animateurs invitent les visiteurs à découvrir les jeux des voyageurs, tels que le lancer de la hachette ou la jambette. C’est comme si ces traditions d’une autre époque attendaient un lieu propre à leur expression pour rejaillir sur toute l’industrie touristique winnipegoise.

« La population d’ici est très consciente que nos ancêtres ont bâti la communauté et ont fait en sorte que nous ayons une communauté francophone au Manitoba. Rendre hommage à ces gens est un souhait qui existe chez les Franco-Manitobains. C’est pour cette raison que la population désire investir dans son histoire pour l’avenir. La communauté tient beaucoup au Fort Gibraltar et, si ce n’était de sa contribution, ce dernier n’aurait jamais vu le jour. »

Aujourd’hui, quand la Ville de Winnipeg tente d’attirer un congrès ou un événement important, le Fort Gibraltar apparaît souvent dans la liste des incontournables. Josée Vaillancourt avoue miser beaucoup sur les partenariats avec l’industrie pour assurer la prospérité à long terme du fort.

« En travaillant avec Voyages Manitoba et Destination Winnipeg, nous pouvons atteindre les marchés un peu plus éloignés, parce que la réalité est que nous sommes un organisme à but non lucratif et communautaire. Notre budget promotionnel est mince; par conséquent, nous comptons beaucoup sur leur appui pour rejoindre les créneaux comme le nord-ouest ontarien, le Dakota du Nord, le Minnesota et la Saskatchewan. »

Le rêve de madame Vaillancourt et de ses collègues est que le Fort Gibraltar devienne un jour un centre d’interprétation ouvert à l’année, témoin d’une vitalité culturelle ayant vécu dans l’ombre et la mémoire bien trop longtemps. Il semble que ce rêve soit tout à fait réalisable.

Commentaires