Pour sortir des sentiers battus


Photos: The Cowboy Trail

(article publié initialement dans la revue TOURISME)

Les routes touristiques commencent à séduire les visiteurs, dans les régions moins fréquentées du Canada. En fait, tellement de recettes permettent de concocter une route touristique qu’à l’occasion, il peut être déconcertant de choisir les bons ingrédients. TOURISME s’est penché sur deux routes en développement pour vous donner une idée de ce qu’il faut faire : le chemin du Roy, le long de la rive Nord du fleuve Saint-Laurent, entre Montréal et Québec, et la Cowboy Trail, en Alberta.

Si vous avez jamais voyagé le long du versant Est des Rocheuses albertaines, vous vous êtes sans doute demandé comment les gens s’y prenaient, autrefois, pour franchir ce territoire accidenté. Car même la beauté du paysage n’aidait pas le voyageur à endurer les épreuves du périple. Les véhicules moteur ont depuis longtemps remplacé les voitures à chevaux comme moyen de transport, mais les habiletés et les traditions développées au contact de la vie dans l’Ouest demeurent, et constituent ce que l’on a appelé la « culture cowboy ».


Certains acteurs importants du secteur touristique local espèrent beaucoup qu’une route des cowboys incitera un plus grand nombre de voyageurs à aller au-delà du Stampede de Calgary et à reprendre contact avec l’univers qui l’a inspiré. Il y a neuf ans, Chuck Lee, gestionnaire du centre de développement commercial du Sud-Ouest de l’Alberta, à Pincher Creek, a senti le besoin de mieux faire connaître les produits touristiques. Il a lancé l’idée de développer un couloir panoramique pour mettre en évidence les attraits touristiques situés le long de la route 22 et au sud, entre Cardston et Mayerthorpe.

« En quoi ce couloir diffère-t-il des autres? Nous avons examiné nos collectivités objectivement et nous avons repéré ce qu’elles avaient d’unique. Nous avons compris que nous étions entourés des plus beaux ranches de l’Alberta et nous avons senti que ce devait être le point de mire de ce que nous voulions faire. »

M. Lee pensait que le recours à la formule du consortium donnerait aux petits exploitants la possibilité d’accéder à des foires commerciales auxquelles ils n’avaient pas les moyens de participer à titre individuel. La route des cowboys était jalonnée d’attractions très choyées : le lieu historique national du Ranch-Bar U; le musée de voitures à chevaux Remington; le centre d’interprétation Frank Slide et le Précipice-à-bisons Head-Smashed-In (site du patrimoine mondial de l’UNESCO).

Duncan Daniels est chef de marketing pour le Sud de la province, à Alberta Community Development. Son bureau s’occupe des trois attractions précitées (et d’autres) qui, ensemble, attirent 170 000 visiteurs par année. M. Daniels aimerait que les municipalités environnantes profitent de la Cowboy Trail. « Calgary est bien connue pour son Stampede et l’Alberta, pour son patrimoine western; la route des cowboys ne fait que pousser le concept un peu plus loin et aide tous les exploitants à promouvoir collectivement les expériences que le visiteur peut vivre le long de la route. »

Kevin Crocket est directeur du développement de produits et de destinations à Alberta Economic Development. Il surveille de très près l’évolution de la route des cowboys. « Les routes touristiques évoquent, dans l’esprit du voyageur, une histoire qui unifie une collectivité, une région ou une destination. Ces routes donnent aux visiteurs une bonne raison de venir, de s’y attarder et de dépenser davantage. Elles constituent un appel à l’action. Elles suggèrent aux visiteurs ce qu’ils peuvent faire ensuite et elles font la force des collectivités, des attractions et des exploitants. »

Photos: Office du tourisme et des congrès de Trois-Rivières

Que peut-on demander de plus à une destination qui a été reconnue comme un point de référence dans son domaine? Au Québec, une autre route patrimoniale fait des vagues. Le chemin du Roy est, dit-on, la première route «carrossable» d’Amérique du Nord; son aménagement remonte au début du 18e siècle, quand les autorités voulurent établir une voie royale entre Montréal et Québec. Depuis lors, toutes sortes de dignitaires—du pape Jean-Paul II à Charles de Gaulle—ont pu admirer les splendeurs du paysage et du milieu bâti, sur cette partie de la rive Nord du Saint-Laurent.

Pendant des années, le chemin du Roy était plus ou moins connu comme un parcours panoramique le long duquel les visiteurs pouvaient traverser plusieurs villages et voyager plus lentement que sur l’autoroute 40. Or, les intervenants en tourisme voulaient valoriser un peu plus cette voie historique grâce au développement de produits. (Le chemin du Roy traverse certaines parties des régions touristiques de Québec, de la Mauricie et de Lanaudière).

« Le patrimoine architectural est au coeur de la route touristique », signale Marilie Laferté, directrice générale de l’Office du tourisme et des congrès de Trois-Rivières. « L’utilisation du patrimoine comme axe de développement nous a permis d’adopter une vision à long terme pour notre projet. Par exemple, bon nombre des administrations municipales avec lesquelles nous traitions n’avaient pas encore établi de politique de conservation du patrimoine; nous avons donc reconnu très tôt la nécessité de faire comprendre à tous la valeur du patrimoine. L’expérience touristique et la conservation du patrimoine vont de pair, et il n’y a presque pas un seul kilomètre du chemin du Roy où l’on n’a pas inventorié ou désigné de ressource patrimoniale. »

Mais, étant donné la longueur impressionnante de cette route touristique—environ 250 kilomètres—, il y a de longs tronçons dont la valeur patrimoniale est moins évidente et des sections où la rareté des bâtiments et les dépôts de ferraille non clôturés nécessiteraient un peu de créativité. Mme Laferté explique : « Nous exploitons alors des caractéristiques du paysage ou nous essayons d’incorporer un élément interprétatif au sujet du milieu contemporain. Un des principaux outils de marketing que nous utilisons est une carte sur laquelle le produit touristique apparaît clairement. Durant l’été, nous proposons aussi le Rallye du Chemin du Roy, un jeu dans lequel on pose une série de questions sur certaines des attractions situées le long du chemin. Pendant tout l’été, ceux qui ont rempli et déposé ou posté leur formulaire peuvent gagner des paniers-cadeaux remplis de produits locaux. »

En cours de route, on a présenté des expositions, des menus de restaurant et des symposiums sur le thème du chemin du Roy. On a des cartes postales, des épinglettes et des décalques pour les vitrines de magasin. Une des plus récentes initiatives consiste à dresser l’inventaire des meilleurs terrains de pique-nique. Les voyageurs peuvent même acheter une nappe bleue et blanche arborant la couronne bleue qui sert de logo au chemin du Roy.

« Chaque année, nous employons une nouvelle tactique de marketing. Ainsi, nous collaborons avec des établissements à caractère historique pour faire installer des plaques d’interprétation sur des sites importants. Ces programmes sont utiles, mais en revanche, il faut admettre qu’il est difficile d’en quantifier le rendement, à cause de la diversité des produits. Les hôteliers prennent note du nombre d’invités qu’ils reçoivent, mais il se peut que le comité de bénévoles d’une paroisse située le long du parcours ne le fasse pas. »

Marie-Andrée Delisle a participé, à titre de consultante, au développement du chemin du Roy et d’autres routes touristiques au Canada, et elle est convaincue que l’industrie et les consommateurs y gagnent. Les petites réussites sont particulièrement encourageantes : « Au-delà des retombées économiques évidentes du tourisme, quand une collectivité participe au développement d’une route touristique, elle aide souvent à réaffirmer l’identité locale. »

Peut-être n’est-il pas surprenant de découvrir que les routes touristiques patrimoniales—conçues d’abord pour le bénéfice des touristes—peuvent récompenser encore davantage les riverains!

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