Chasseurs, pêcheurs et avions de brousse

(article publié initialement dans TOURISME)

Le propriétaire du Club Chambeaux, d’Air Saguenay et de Labrador Air Safari (et copropriétaire de Nolinor Aviation) ne connaît pas la signification du mot « ralentir ». Aujourd’hui, il voyage dans le monde entier pour chasser et pêcher, pour rencontrer des amis et pour constater les effets des tendances du marché sur les entreprises qu’il a créés pendant quatre décennies.

Jean‑Claude Tremblay, 65 ans, n’est pas seulement le pourvoyeur de chasse et pêche le plus prospère du Canada; il a également mis sur pied la principale compagnie d’aviation de brousse en Amérique du Nord. L’histoire de cet entrepreneur de Jonquière est remarquable : il a développé son entreprise grâce à une série d’acquisitions judicieuses. On se demande comment il a pu assumer avec tant d’aisance des risques aussi élevés!

La carrière de M. Tremblay dans l’industrie du tourisme d’accueil a commencé dans le secteur des brasseries au Saguenay. Ce passionné de chasse et de pêche a acheté son premier petit avion en 1967 pour visiter le Nord du Québec. Son entreprise de publicité extérieure (Enseignes Néon Otis) lui a permis de rêver de posséder un jour des camps éloignés dans des endroits exotiques tels que « Croissant Vermeil » et « Lac Margane »; sa première pourvoirie (en 1973) comprenait l’accès exclusif à un territoire de plus de 324 000 hectares, situé à environ 150 km au nord de Chicoutimi, au lac Homamo.

« À l’époque, c’était la destination par excellence pour pêcher la truite indigène au Québec. Grâce à une entente avec Air Saguenay pour le transport, nous recevions de 1 000 à 1 200 invités par année, dont 80 % étaient des Américains. »

En 1980, M. Tremblay achète Air Saguenay.

Les nouvelles acquisitions de M. Tremblay comprenaient un bail couvrant le secteur des lacs Muguet et Delorme, où l’on préparait un grand projet hydroélectrique visant l’inondation de la rivière Caniapiscau et la création d’un vaste réservoir. « En réalisant que ce territoire serait bientôt recouvert d’eau, j’ai décidé de conserver mes droits de relocalisation jusqu’à ce qu’une occasion se présente. » Plus tard, cette décision apparemment risquée allait s’avérer très judicieuse.

Pendant ce temps, l’acquisition d’un transporteur aérien de Fermont rendait M. Tremblay propriétaire de la pourvoirie du Club Chambeaux, qui était alors peu développée. « C’est ainsi que nous avons commencé à offrir des voyages de chasse. Nous avons ouvert 6 pavillons en 1984. Nous accueillions de 800 à 1 000 clients par année, dont la plupart arrivaient de Montréal avec l’ancien transporteur Québecair. En 1987, on comptait déjà deux ou trois pourvoiries de chasse au caribou à Schefferville. »

Cependant, comme le nombre de clients ne justifiait pas la liaison directe entre Montréal et Schefferville, M. Tremblay a entamé des discussions pour déplacer ses activités de Fermont à Schefferville afin d’accroître la clientèle locale. Avec 1 500 clients, la possibilité d’attirer un transporteur pour la liaison avec Montréal devenait beaucoup plus envisageable; effectivement, City Express a fini par accepter d’effectuer 50 vols réguliers entre Montréal et Schefferville.

« Avec d’autres pourvoiries, nous avons fini par transporter un total de 3 000 chasseurs par année à Schefferville. Air Saguenay y a ouvert une base [pour finir par conserver celle de Fermont]. Nous avons acquis un autre transporteur de Wabush [Labrador], et huit appareils se sont rapidement ajoutés à la flotte d’Air Saguenay. »

L’entreprise était également propriétaire de la Pourvoirie Manicouagan et d’une douzaine de camps accueillant chaque année de 400 à 500 clients américains ou canadiens arrivant de Baie‑Comeau. « Par conséquent, à la fin de la saison de la pêche, à l’automne, nous pouvions affecter quatre ou cinq de ses appareils à la chasse au caribou pour répondre à la demande croissante. À ce moment‑là, d’autres pourvoyeurs se sont installés au lac Pau, du réservoir de la Caniapiscau. Nous avons donc ouvert une base dans ce secteur. »

C’est alors que M. Tremblay a exercé ses droits de relocalisation en faisant l’acquisition du village de Caniapiscau à un prix minime. (Le village était utilisé par les responsables des projets hydroélectriques dans les années 1970 avant d’être abandonné.)

« La croissance d’Air Saguenay s’est poursuivie avec l’acquisition de trois autres transporteurs et d’avions additionnels provenant d’aussi loin que Havre Saint‑Pierre, sur la Basse‑Côte‑Nord. Aujourd’hui, nous comptons 12 bases aériennes au Québec. » Lorsque City Express a fait faillite, M. Tremblay et son partenaire Jacques Prud’homme ont créé Nolinor Aviation, compagnie dotée d’une flotte d’avions de transport de passagers et de marchandises, d’une base principale à Mirabel et d’installations à Dorval.

« Nous transportons maintenant tous les chasseurs de caribou dans les régions de Schefferville et du lac Pau, et 90 % des chasseurs de cerf de Virginie sur l’île d’Anticosti. Nous transportons des passagers pour l’observation d’ours polaires avec Frontiers North Adventures, des pêcheurs de saumon au nord de Winnipeg et de nombreux pêcheurs sportifs dans l’Ouest Canadien. Nous avions besoin d’un point d’entrée pour les chasseurs; Nolinor s’est chargé d’assurer les transferts avec Air Saguenay en direction du Club Chambeaux, du Club Montagnais et des Nordic Camps, où nous étions un partenaire. »

Chaque décision prise par M. Tremblay au cours de sa carrière semble avoir été conçue pour offrir à ses clients le même excellent service. Le contrôle qu’il exerçait sur ses transporteurs lui a permis d’adapter le service à la demande.

« Lorsque nos invités arrivent à Montréal, ils sont accueillis par l’un de nos représentants, tout comme lorsqu’ils atterrissent à Schefferville. Nous appuyons nos clients dans tous les aspects de leur expérience de chasse, que ce soit pour l’achat du permis, les services offerts par les guides et la qualité des embarcations, des moteurs, de la nourriture et des pavillons. Tout est toujours prêt à temps. »

Au fil des ans, l’entreprise de M. Tremblay a accueilli plus de 22 000 chasseurs et plus de 6 000 pêcheurs du Canada et des États‑Unis. « Nous gérons nos ressources naturelles de manière durable. Nous faisons de nombreux voyages de familiarisation et de la publicité dans les meilleurs magazines de chasse américains et canadiens. Nous participons à plus de 40 salons sportifs par année, aux États‑Unis et au Canada. Nous avons longtemps mis l’accent sur les bébé‑boumeurs, mais nous offrons maintenant des rabais pour les enfants afin de renouveler notre clientèle. »

M. Tremblay constate que de plus en plus de pères emmènent leurs enfants avec eux : « La clientèle des bébé‑boumeurs est passée de 3 500 à quelque 2 500 chasseurs. Nous ne voulons pas connaître d’autres réductions, parce que la clientèle doit être suffisante pour nous permettre d’entretenir adéquatement nos infrastructures. C’est pourquoi nous avons acquis des appareils additionnels et réduit le nombre de pavillons, afin de mettre l’accent sur la qualité. Nous couvrons davantage de territoire et d’attractions pour nos clients, et ils savent qu’ils sont entre bonnes mains. »

Jean‑Claude Tremblay a le sens des affaires et il ne compte pas ralentir!

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