Le secteur des croisières sur les Grands Lacs plus prometteur que jamais

Photo: Great Lakes Cruising Coalition

(article publié initialement dans TOURISME)

Quand on pense croisières, les Grands Lacs ne sont peut-être pas la destination à laquelle on pense d’abord, mais c’est une destination qui connaît actuellement un regain d’intérêt chez les consommateurs avertis de croisières. Cela augure bien pour ce secteur sous estimé de l’industrie, selon Stephen Burnett, directeur exécutif de la Great Lakes Cruising Coalition à Kingston.

« L’industrie des Grands Lacs est une industrie de petits navires intimes. Avec la Lloyds de Londres, nous avons recensé environ 140 petits navires dans le monde qui pourraient naviguer sur la voie maritime du Saint‑Laurent. Il en existe probablement une soixantaine qui permettraient d’exercer une activité de qualité et dont la taille permettrait de créer des répercussions économiques importantes. »

M. Burnett sait que la difficulté c’est de convaincre les propriétaires et les exploitants de ces navires qu’il est possible de faire de l’argent sur les Grands Lacs. Il a dirigé une étude approfondie sur le rendement de sept petits navires (de 100, 200 ou 400 passagers). « Nous avons constaté qu’une flotte de petits navires de croisière pouvait permettre de faire des affaires de 50 millions de dollars en une saison de 155 jours. Avec une flotte de 20 navires de croisière, les Grands Lacs alimenteraient une industrie de 100 millions de dollars en un clin d’oeil. »

Cette étude a aussi confirmé que les Grands Lacs offrent deux sources de revenus – comme la plupart des activités de croisière. La première tient aux achats des passagers et la seconde, aux activités maritimes, c’est‑à-dire au carburant et aux réparations des navires, et à la paie de l’équipage. « En fin de compte, l’ensemble de ces activités laisse une empreinte économique dans la région des Grands Lacs et influe sur tous les ports visités. »

Pour mieux tirer parti de ces possibilités, beaucoup de ports et de régions ont fait preuve d’un grand optimisme et investi dans des installations capables d’accueillir ces navires, explique M. Burnett : « Lors de nos discussions avec les autorités portuaires, nous leur conseillons de ne pas s’endetter en construisant tout de suite des terminaux modernes. Nous les encourageons à utiliser les ressources qu’elles possèdent déjà, surtout si elles ont accès à un immeuble patrimonial ou à un vieil entrepôt charmant. »

Certaines destinations peuvent envisager des investissements plus importants, ajoute‑t-il : « Toronto a construit un magnifique terminal polyvalent à l’extrémité est du port. Little Current, sur l’île Manitoulin, possède le port le plus visité de toute la région; elle améliore ses installations de mouillage pour que les navires puissent accoster en plein centre‑ville, comme cela se fait dans les fjords de Scandinavie. »

En prévision de la croissance future, le gouvernement de l’Ontario a financé une initiative qui apprend ni plus ni moins à une collectivité comment accueillir un navire, selon M. Burnett. « Cela aide beaucoup les collectivités qui connaissent mal l’industrie. »

Bruce O’Hare est l’une des personnes qui – comme M. Burnett – voit le potentiel de la région. Il possède et exploite le plus grand hôtel à Little Current (l’Anchor Inn construit en 1888) et Lakeshore Excursions, entreprise qui répond aux besoins des passagers : « Nous ressemblons beaucoup à l’Alaska d’il y a 30 ans », croit‑il, « une destination embryonnaire, mais qui compte des membres très engagés. »

Ce petit port qui accueille régulièrement des navires de 100 passagers procède à un développement de quatre millions de dollars. « Généralement, les passagers sont des Américains âgés et riches qui font des croisières haut de gamme plutôt que les croisières de masse offertes dans les Antilles. Les croisières sur petits navires coûtent plus cher par jour et les gens qui s’arrêtent dans nos ports ont tendance à avoir beaucoup voyagé. Ils sont allés en Méditerranée deux fois, ils ont fait l’Alaska, les Antilles, les Bahamas et l’Asie du Sud‑Est, et ils cherchent de nouvelles destinations. D’où les possibilités. »

Selon lui, les croisières sur les Grands Lacs connaissent actuellement une renaissance. « La mode d’hier revient en vogue. Il fut un temps où plus de croisiéristes naviguaient sur les Grands Lacs que sur n’importe quel océan, et cela revient tranquillement. Les Grands Lacs offrent de nombreux avantages. Ils sont très sûrs et l’anglais rend la destination accessible. On trouve ici de nombreuses commodités que l’on ne trouve pas ailleurs dans le monde. « Une croisière à domicile », expression inventée après le 11 septembre, « est la raison pour laquelle des endroits comme Jacksonville, Nouvelle‑Orléans, Charlotte et tous les autres ports de la côte Est et du Nord du Mexique accueillent maintenant de grands navires de croisière ».

Les attraits des Grands Lacs sont nombreux, qu’il s’agisse de festivals du film ou de courses du Grand Prix—activités aussi associées aux destinations européennes. La Great Lakes Cruising Coalition, organisme de marketing binational, n’a pas peur de sensibiliser le secteur des croisières à ce phénomène, signale Stephen Burnett : « Nous allons à Seatrade à Miami pour assurer aux Grands Lacs une place aux côtés des grandes destinations du monde, particulièrement l’Allemagne et l’Asie du Sud‑Est. L’industrie des petits navires de croisière reconnaît que nous avons une expérience extraordinaire à offrir sur ces mers intérieures d’eau douce. »

Pour que la destination reçoive l’attention qu’elle mérite, le groupe de M. Burnett a lancé, avec l’aide du gouvernement de l’Ontario, une série d’inspections visant les exploitants étrangers de navires de croisière ainsi que les voyagistes réputés qui font appel à des navires de croisière. « Nous avons constaté que ces gens sont très occupés. Nous les avons invités au Canada et avons loué un avion amphibie haute performance pour leur montrer qu’il est possible de planifier des itinéraires créatifs avec de petits navires de croisière dans des régions comme la baie Georgienne et le chenal du Nord.

« Alors, nous avons pu décoller sur les roues, atterrir sur les flotteurs dans le port de Parry Sound et de Little Current, atterrir sur les roues à Sault Ste. Marie, où nous avons changé d’avion pour nous rendre à la tête des Grands Lacs à Thunder Bay, puis à Duluth, à Detroit, à Erie, à Toledo avant de revenir à Toronto. Nous voulions faire valoir les Grands Lacs comme une magnifique destination de croisière en eau douce.

« À la fin de cette tournée, nos invités étaient bouche bée. Ils ont été étonnés non seulement par la beauté naturelle de nos Grands Lacs, mais aussi par la culture de la région. Pendant la tournée, ils lançaient toutes sortes d’idées – juste pour voir quels étaient les débouchés économiques. Aujourd’hui, nous en récoltons les fruits. »

Il faut régler quelques problèmes, dont l’un concerne la conformité aux règlements de sécurité. Le dédouanement d’un navire qui est passé par le Canada et les États‑Unis est pénible au point où certaines entreprises ont dit que la tâche était carrément trop difficile à envisager.

« Elles ont dit qu’elles allaient opter pour un itinéraire soit au Canada, soit aux États Unis », a déclaré M. Burnett. « Malheureusement, ça n’est pas la meilleure façon de faire, car les itinéraires qui touchent aux deux pays sont les meilleurs : ils ont beaucoup à offrir; par exemple, les croisières les plus excitantes vont de Toronto à Chicago.

« Il y a sept ans que nous travaillons à ce plan d’entreprise. C’est un défi incroyable parce que l’industrie nationale des croisières sur les Grands Lacs n’existe pas vraiment (les navires suivent généralement le soleil). Toutefois, la croissance qui s’annonce laisse croire que le meilleur reste à venir. »

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